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Le cadre juridique des affaires aux Comores

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A l’heure de la mondialisation et de la globalisation des échanges, le développement économique d’un pays ne peut se réaliser sans le concours des investisseurs et des capitaux étrangers. Ces investisseurs ont besoin d’une sécurité juridique dans le pays d’accueil pour fructifier et sécuriser leurs affaires. Cette sécurité se caractère par la stabilité politique et un environnement juridique attrayant et encourageant. Aux Comores la première condition est loin d’être remplie. Notre pays malheureusement est sécoué depuis son accession à l’indépendance en 1975 d’une instabilité politique chronique qui ruine tous les projets de développement. Et pourtant nous avons la chance d’avoir un cadre juridique qui se modernise et s’adapte aux mutations économiques qui bouleversent le monde. Il conviendra de vous présenter ce cadre qui comporte en fait «  l’ensemble des textes constitutionnels, législatifs et réglementaires qui régissent les affaires ou qui peuvent avoir des incidences dans le domaine des affaires  » et «  l’ensemble des règles non écrites qui s’imposent dans les rapports entre ou avec les opérateurs ou qui sont de nature à exercer une influence sur leurs activités  ».

Ce Cadre juridique des affaires est complexe, car il découle d’une juxtaposition de différents systèmes juridiques ( musulman, coutumier et français)

I: L’accès à la Règle de droit

A: L’information

Afin de faciliter l’accès à la règle de droit compte tenu de la dispersion des textes applicables, l’Assemblée Fédérale a adopté une loi le 13 décembre 1994, la loi N° 94-029/AF relative à la compilation des textes législatifs et réglementaires. Cette loi a mandaté la Commission des lois de l’Assemblée Fédérale de contrôler le travail de correction et de suppression des termes rendus caducs par la mise en place, après l’indépendance des nouvelles institutions administratives de la République Fédérale Islamique des Comores.

Ce travail de compilation, financé par le Projet de la Banque Mondiale N° 2632 COM d’Appui au Développement des Petites Entreprises (ADPE) est supervisé par la Commission des textes législatifs et réglementaires institués par décret N° 94-058/PM du 24 septembre 1994. Six (6) volumes des textes législatifs et réglementaires ont été réalisés grâce aux efforts du Professeur GARRON.

Ces textes compilés sont en général des textes antérieurs à l’indépendance. Cela résulte de la loi N° 75 – 04/ANP du 29 juillet 1975 adopté à la suite de l’indépendance des Comores. Cette loi dispose dans son article unique «  tous les textes en vigueur restent en vigueur à l’exception des textes organisant le territoire  ».

B : La publication

La parution du Journal Officiel avait cessé en 1992. Elle a été finalement relancé en 1995. Cette relance consiste d’une part à imprimer tous les numéros du Journal Officiel non parus depuis 1992 et d’autre part à éditer dorénavant tous les textes qui devront être portés à la connaissance de l’administration et du public.

II: Le contenu de la règle de droit

A : Le droit commercial

- Le code de commerce.

Après l’indépendance, les Comores ont continué à appliquer le code de commerce français, c’est à dire la loi du 13 juillet 1967. Cette loi était étendue aux Comores bien qu’elle ne soit pas applicable, en raison de l’absence de décret d’application.

Après l’indépendance, un nouveau de commerce a été adopté par l’Assemblée Fédérale le 19 mai 1984. Ce nouveau code de commerce du 19 mai 1984, comportant 912 articles a été bâti à la hâte. Il représentait une compilation de textes libéraux et des textes dirigistes qui conféraient à l’exécutif le pouvoir absolu de tout réglementer et de tout décider dans domaine des affaires. Ce code a été finalement abrogé par la loi N° 94-040/AF du 25 décembre 1994 portant création d’une Chambre Commerciale dans Chaque Tribunal de Première Instance. Et on était revenu à la loi du 13 juillet 1967.

Depuis le 1er janvier 1998, trois actes uniformes ont été adoptés à Cotonou au Bénin par l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Des actes qui sont d’application immédiate portent sur le droit Commercial, le droit des sociétés commerciales et du groupement et le droit des sûretés.

- Les lois commerciales annexes.

Le doit commercial sera principalement régi par les actes uniformes de l’OHADA. Actuellement sont régis par les textes de l’OHADA, les sociétés et les groupements exerçant des activités économiques (les sociétés commerciales, les Groupements d’intérêt économique). L’acte uniforme portant sur le droit commercial d’après son article 1 «  régit tout commerçant, personne physique ou morale y compris toutes sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou une personne de droit public est associé, ainsi que tout groupement d’intérêt économique, dont l’établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l’un des Etats parties au Traité relatif à l’harmonisation du Droit des Affaires en Afrique  ».

L’une des nouveautés de cet acte uniforme c’est la création d’un registre du commerce et du crédit immobilier qui a pour objet de «  recevoir l’immatriculation des personnes physiques ayant la qualité de commerçant au sens du présent Acte Uniforme et des sociétés commerciales et des autres personnes morales assujetties à l’immatriculation, ainsi que des succursales de sociétés étrangères exerçant sur le territoire de l’Etat partie  ».

L’acte uniforme portant sur le droit des sociétés commerciales et du Groupement d’Intérêt économique régit «  Toutes les sociétés commerciales, y compris celle dans laquelle un Etat ou une personne morale de droit public est associé, dont le siège social est situé sur le territoire de l’un des Etas partie au Traité relatif à l’harmonisation du Droit des Affaires en Afrique  ». En outre «  Tout groupement d’intérêt économique est également soumis aux dispositions du présent acte uniforme  ».

L’acte uniforme a énuméré les sûretés personnelles ( cautionnement, lettre de garantie), les sûretés mobilières (Droit de rétention, le gage, les nantissements sans dépossession, les privilèges) et les hypothèques.

Deux actes uniformes de l’OHADA adoptés le 10 avril 1998 l’un portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et l’autre portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, sont entrés en application à partir du 1er janvier 1999 aux Comores

Un sixième acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage vient d’être adopté par le Conseil des Ministres du 11 mars 1999. Cet acte uniforme d’après son article 1er s’applique à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats-parties.

B: le Droit civil

Depuis l’indépendance des Comores en 1975, le droit privé est régi par trois systèmes juridiques (droit français, le droit musulman et droit coutumier). La loi N° 87-021 du 23 septembre 1987 «  fixant l’organisation Judiciaire de la R.F.I des Comores ainsi que les principes fondamentaux applicables aux litiges de droit privé  » aménage en son titre II les rapports entre le droit civil du système français et les dispositions des autres systèmes de droit.

Le droit musulman conserve son exclusivité dans le domaine familial. La coutume s’applique dès lors qu’elle ne porte pas atteinte ni aux règles fondamentales islamiques  » ni à l’ordre public. En fait la coutume concerne essentiellement les domaines de la propriété immobilière non immatriculée et de la possession immobilière (art 12 de la loi de 1987). En dehors des articles 10 et 12, le droit français s’applique. Il s’applique par exemple aux contrats, aux quasi-contrats, à la responsabilité civile aux sûretés mobilières et immobilières (cautionnement, hypothèque, privilèges, gages, nantissement).

Le droit foncier est régi par le droit français. Mais la situation immobilière est incertaine dans certains domaines ( l’application cumulative du Wakf et du Magnahoulé). Le droit foncier comorien est caractérisé par la procédure de l’immatriculation qui a pour but de «  purger  » en quelque sorte l’acquisition ou la possession de droits immobiliers de tous les vices d’incertitude  ». ( D. 9 juin 1931 modifiés par les décrets du 27 février 1946, du 5 août 1934 et du 15 août 1934). Cette immatriculation est facultative, elle a un effet «  translatif  » de propriété.

Le titre foncier délivré à l’issue de cette procédure demeure inattaquable. Cette procédure n’est pas respectée car elle est longue et coûteuse ( opération de bornage et d’identification de l’immeuble, l’information des tiers et la procédure d’opposition par la publicité et éventuellement la procédure d’opposition ou de demande d’inscription).

Le droit musulman qui s’applique dans notre pays, se réfère principalement au «  Minihaj  » de NAWAWI. Le décret du 1er juin 1939 avait expressément confirmé cette compétence d’attribution en prescrivant aux Cadis de ne dire le droit que d’après le «  Minhadj  » (article 6 du décret: Les cadis jugent d’après le droit musulman et les coutumes indigènes  ».

Le droit musulman intéresse plus essentiellement «  le droit des personnes et de la famille  ». Mais il a des incidences au niveau des affaires sur les droits et la capacité des femmes. Par exemple Elles ne succèdent qu’à la moitié seulement des droits patrimoniaux des hommes; elles ne peuvent témoigner en justice qu’à raison de deux femmes pour un homme. En ce qui concerne le régime matrimonial musulman, le mariage est sans effet sur les biens des époux. Chacun d’eux restant propriétaire de ce qu’il acquiert pendant l’union. Toutefois, l’existence du mariage est conditionné par la nécessité du don nuptial ou «  mahr  ».

Le droit musulman légifère les successions. Concernant le Waqf, c’est une institution proche de la donation et de la fondation. Ainsi la constituant, en l’occurrence le Wâqif qui est propriétaire d’une chose prononce des paroles indispensables à la formation du «  Waqf  »; et par l’effet de ces paroles, Allah devient propriétaire. La jouissance de la dite chose est attribuée à des bénéficiaires désignés ( la famille, les pauvres..) pour un usage déterminé (exploitation agricole; construction d’une mosquée..  ». Cette affectation est éternelle. Dans le domaine des affaires, le créancier peut être trompé par l’apparence. n’a pas subi de modification depuis 1993. Un projet du code de la famille est en étude. Mais les oulémas font de la résistance.

Le droit coutumier s’applique essentiellement à la «  propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent  » à l’exception des litiges qui portent sur le terrain immatriculé. La règle coutumière la plus connue et dont l’application ne pose pas problème est le Magnhouli qui est constitué d’immeuble donné à une femme pour son profit et pour le profit de toutes ses descendances dans la ligne maternelle  ». Ces terrains sont indisponibles aux Commerces.

La loi du 23 septembre 1987 a édicté des coutumes applicables dont la liste serait fixée par arrêté conjoint du Ministre de la Justice et du Ministre de l’Intérieur  » Cet arrêté n’a jamais été pris.

C : le Droit des investissements

Après l’indépendance, le droit comorien de l’investissement était régi par les dispositions de la loi du 25 mai 1984 portant code des investissements. Cette loi a été abrogée par la loi N° 95-015/AF portant code des investissements (voir Mwezi net du mois de mai 1999). En effet le code de 1984 prévoyait «  un certain nombre de mesure – en particulier une procédure d’agrément – dont la complexité, la lenteur ou l’arbitrage paraissait de nature à décourager les opérateurs. La nécessité de «  libéraliser, sécuriser et inciter  » les investissements s’imposait.

Ces trois objectifs ont été pris en compte par le nouveau code des investissements; Cette loi de 1995 a fait en sorte qu’aucune entrave ne puisse être opposée par les pouvoirs publics à la libre initiative des opérateurs, sous la seule réserve de l’ordre public. Pour éviter les discriminations, la loi a assimilé les entrepreneurs étrangers et les entrepreneurs nationaux. En outre la loi a prévu des nouvelles mesures juridiques et judiciaires susceptibles d’assurer aux entrepreneurs la garantie de leurs droits ( indemnisation pour cause d’expropriation et de modification ou résiliation unilatérale de contrat ) et des avantages sont prévus pour attirer les investisseurs.

D: Le droit du travail

Il est régi par la loi du 18 février 1984 qui a institué le code du travail. Ce code est simple. Il préserve les intérêts essentiels du travailleur ( droits syndicaux, le contrat de travail, l’hygiène et la sécurité..) sans pour autant accabler de charges sociales les employeurs. Le contrat de travail est passé librement parfois sans écrit. Les salaires sont libres, le SMIG n’a toujours pas été fixé officiellement. La durée légale du travail est de 40 heures par semaine (au delà les heures sont supplémentaires). Le congé légal est de 2 jours et demi par mois de travail. Quant aux charge sociales, l’employeur est tenu de verser 2,5% à 5% du salaire brut à la caisse de prévoyance sociale. En fait il n’existe pas de retraite pour les salariés du secteur privé.

En cas de rupture du contrat de travail , il y a un préavis à respecter et des indemnités de licenciement à régler. Il existe une inspection de travail qui contrôle le respect des textes. Cette loi n’a pas subi de modifications importantes depuis son adoption en 1984.

E : Le droit fiscal

La source fondamentale des impôts aux Comores reste, le Code Général des Impôts adopté par la loi N°85-018/AF du 24 Décembre 1985. Les principaux impôts aux Comores prévus par la loi sont :

- En ce qui concerne avec les impôts directs, il y a:

* l’Impôt Général sur le Revenu (I.G.R);

* L’Impôt sur les Bénéfices diverses (IBD);

* L’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers;

* L’impôt sur les propriétés bâties loués;

* L’impôt sur le revenu des terrains agricoles;

* La contribution des patentes;

* La taxe professionnelle unique (T.P.U);

* Les impôts locaux;

* L’impôt sur les récepteurs de télévision, les magnétoscopes et les vidéoscopes;

 

- En ce qui concerne les impôts indirects:

* La Taxe Générale sur les ventes (TGV)

* les droits d’enregistrement et timbre ( les droits d’enregistrement, les droits des timbres, la taxe sur les contrats d’assurance, la taxe de publicité foncière, la taxe sur la plus value immobilière des terrains domaniaux).

Toutefois il convient de constater que dans les faits, seuls quelques impôts sont réellement perçus par l’administration fiscale à savoir, l’IGR, l’IBD, la patente, la TGV et les droits d’enregistrement.

* les droits de douane et les taxes douanières

Ils représentent la principale recette fiscale de l’Etat comorien. D’après l’ordonnance N° 92-0008/PR du 7 Septembre 1992 instituant le Code des Douanes, ces droits s’appliquent à l’ensemble des marchandises qui rentrent ou qui sortent sur le territoire douanier des Comores comprenant les territoires et les eaux territoriales des îles de la Grande Comore, d’Anjouan de Moheli, de Mayotte et des îles voisines du littoral.

Le tarif douanier frappe toutes les marchandises qui rentrent ou qui sortent sur le territoire douanier Comorien.

 

Il comprend deux droits:

- le droit d’importation qui comprend un tarif minimum et un tarif général. Ce dernier frappe les marchandises qui ne sont pas admises au bénéfice du tarif minimum.

- les droits d’exportation qui disposent d’un seul tarif. D’après l’article 6 du CGI, à l’exportation, il n’existe qu’un seul tarif et les taxes diverses perçues par la douane sont fixées par arrêté du Ministre des Finances, de l’économie, du budget et du plan.

Les principaux droits et taxes douanières, qui sont constituent la principale recette fiscale de l’Etat, sont les droits de douane (D.D) les taxes de consommation (T.C), la taxe d’entrepôt de stockage, la redevance administrative unique (R.A.U), la taxe unique sur le riz, sur les produits pétroliers et le droit de sortie.

 

F: Le droit des Entreprises Publiques

Le droit des entreprises publiques a subi plusieurs modifications afin d’améliorer la transparence de la gestion des Entreprises publiques et la privatisation des entreprises publiques. Plusieurs lois ont été adoptées à cet effet: la loi N° 95-008 du 19 juin 1995 (voir Mwezi net N° 4 du mois de mai 1999), portant concession ou privatisation des Sociétés à capitaux publics, la loi N° 94-034/AF portant réglementation générale des sociétés à capitaux publics, la loi N° 95-014/AF du 24 juin 1995 relative à l’assainissement des professions commerciales et industrielles.

Le programme de privatisation des entreprises publiques concerne cinq entreprises: L’EEDC (Eau et électricité des Comores), la SOCOPOTRAM ( Société Comorienne des Ports et des transports maritimes), Air Comores, les Hydrocarbures (S.C.H) et la Société Nationale des Postes et Télécommunication (S.N.P.T). Pour l’instant, seul la gestion de l’EEDC a été privatisée au profit de la Générale des Eaux en avril 1997. Le transfert effectif de la gestion a été faite en janvier 1998.

Il résulte de cette brève étude que l’accès à la règle de droit a été amélioré dans notre pays et que le contenu de la règle de droit a subi plusieurs modifications importantes au cours de ces dernières années. Des modifications allant dans le sens d’une modernisation de notre législation en vue d’attirer les capitaux étrangers nécessaires à la résolution des problèmes économiques qui secouent notre pays. Toutefois, sans stabilité politique, le cadre juridique quoique attrayant ne produira pas les effets escomptés.

Ismaël SAADI

N.B: Cet article a été réalisé sur la base de l’étude effectuée en 1993 portant sur le cadre juridique et judiciaire des Affaires aux Comores, par le Professeur Robert GARRON, Professeur agrégé à la Faculté de Droit d’Aix-en-Provence avec qui je collabore étroitement dans le cadre de mes activités professionnelles d’appui à l’amélioration de l’environnement juridique et judiciaire des affaires de notre pays; Mer Robert AHNEE, Juge à la Cour suprême de l’Ile Maurice, Mme Binty Mady, Conseillère Chargée de la Coopération Juridique et Judiciaire au Ministère de la Justice de la République Fédérale Islamique des Comores et Me Jean-Bernard TOINETTE, Avocat à Moroni.

Source : MweziNet – 1999


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